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On the Rome again
17 avril 2015

Black Reality, le festival

Le weekend dernier s'est déroulé le festival organisé par Black Reality, l'association culturelle où je fais mon stage. Du coup je me suis dit que ce serait l'occasion de vous parler un peu de mon stage... 

Pour vous résumer un peu, c'est une association qui organise des ateliers de théâtre avec des immigrants pour parler de leur situation. Cette année, ils tournent aussi des vidéos sur ce thème. Le festival s'articulait autour de la présentation de deux des ateliers que j'ai pu suivre, ainsi que des vidéos, le tout accompagné d'un spectacle sur les enfants soldats.

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Mais c'est surtout des ateliers que je voulais vous parler.

OSTIA - Teatro delle sirene

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Le premier se déroulait à Ostia, petite ville à une heure de route de Rome, sur les bords de mer. Le théâtre accueillait l'atelier.
Le projet initial était de travailler avec le Centro Vittorio, occupé par des immigrants depuis de nombreuses années. Mais après plusieurs tentatives et rencontres, il s'est avéré que les occupants avaient d'autres priorités (parmi lesquelles la mise en place de tours de garde pour empêcher les dealers de s'installer)...
L'atelier s'est donc poursuivi mais avec de nouveaux participants, immigrants et italiens. Un beau groupe multi-culturel... venant de la Chine, de l'Amérique du Sud, de la Roumanie, de l'Ukraine ou encore du Maroc. Et majoritairement constitué de femmes!

Le thème de départ était imposé : celui d'Enea et de sa fuite de Troie, en flammes, son père sur les épaules et son fils Ascagne dans les bras, pour aller fonder Rome. Mais Enea, c'est aussi l'homme qui aima Didone. La femme qu'il rencontre sur son chemin et qu'il aime, mais qu'il doit abandonner pour accomplir sa mission. 

Et ainsi, peu à peu, le choeur de femmes s'est formé. Femmes qui choisissent l'élu, qui l'apprêtent pour le départ, qui lui disent adieu... et qui se retrouvent seules. Abandonnées. Reviendra-t-il? Aurait-il dû rester? Etait-il obligé de partir? Chacune livre son expérience personnelle et se confie autour d'un monticule de pommes de terres, épluchées peu à peu.

Quel est cet endroit que nous cherchons quand nous partons en voyage? Comment savoir si le lieu dans lequel nous sommes arrivés est celui que nous cherchions? 

Chaque homme raconte son voyage, son expérience ou son abandon. Le premier raconte son naufrage et l'accueil des habitants. Le second l'abandon de celle qu'il aimait là-bas, au loin. Son départ sans retour. Le dernier enfin raconte son expérience militaire à la frontière comme garde de nuit. Pas de mot de passe? Animal ou humain, tu tires. 

Mais même au loin, la voix de Didone raisonne. La voix de celle qui a été abandonnée blesse, heurte, frappe toujours plus fort, jusqu'au coeur. 

L'image finale est celle des femmes le poing en l'air, prêtes à lapider ce qui reste d'Enea, à terre suite aux appels de Didone. Ou à le pardonner? Le noir nous laisse en juger par nous même.

 

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Le travail développé lors de cet atelier s'est axé sur le choeur. Pas de paroles ici ou presque. Les scènes de groupe sont des images portées par l'énergie du choeur. Il s'agit d'un travail très difficile, car il demande une grande écoute et une énergie soutenue. Il suffit d'un seul élément, peu concentré, pour tout ruiner. Cela a pris du temps.

Et puis surtout, l'histoire de chacun. Ce type d'atelier nécessite une vraie confiance dans le groupe et dans les intervenants (Gianluca et Flavio qui ont vraiment fait du beau travail). Car il repose essentiellement sur un matériel humain et sur le vécu des personnes participant à l'atelier. L'idée était ici de partager l'expérience de l'abandon ou du départ de chacun pour créer un lien avec l'histoire d'Enée. Et cela a pris du temps... jusqu'à ce que quelques semaines avant le spectacle, les langues se délient et confient les expériences les plus intimes. Abandonner sa fille pour partir et revenir ensuite la chercher, abandonner sa famille pour partir chercher une meilleure conditions et parvenir aux besoin de celle-ci, abandonner une carrière de militaire sans liberté, abandonner quelqu'un de nocif pour retrouver sa liberté, abandonner un mari qui vous bat... 

Et Dimanche, le résultat était là. Pas parfait, bien sûr. Mais bien là. Et après avoir suivi tout l'atelier, je peux vous assurer que ça fait plaisir.

En plus, la musique, et plus particulièrement une chanson française, étaient formidable... on se demande bien qui l'a proposée...

Etre à la régie pendant le spectacle et pouvoir passer Noir Désir à fond... quel pied!!! :D  Clique! (oui même pendant le stage j'oeuvre pour la diffusion de la culture française hahaha!)

 

REBIBBIA - Le SPRAR Gerini

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Le second atelier est très différent. D'abord parce qu'il ne s'est pas déroulé dans un théâtre mais dans le centre où attendent les nouveaux arrivant avant de passer en commission pour savoir si oui ou non ils obtiendront des papiers. 

Ils sont donc arrivés depuis peu, ne parlent pas encore bien l'italien et sont dans une situation d'attente incertaine. Ils viennent du Mali et du Sénégal. Bien qu'ils se comprennent entre eux, chacun a une langue différente, selon la zone dont il vient. 

Les premiers cours se sont déroulés dans le SPRAR, dans une salle où se déroulent aussi les cours d'italien. Difficile de parvenir à établir un groupe : le cours doit commencer à 17h mais chacun arrive à 18h, 18h30, repart... la ponctualité semble être une notion vague. Cela a pris vraiment beaucoup de temps pour réussir à créer un groupe. Finalement c'est lorsque les cours ont eu lieu au théâtre que les choses se sont fixées et les liens établis. 

Là encore, les histoires de chacun sont sorties dans les dernières rencontres, peu avant le spectacle. 

L'idée a ici été d'intégrer le récit de chacun à une trame générale inspirée d'un texte de Pinter. Giovanni (intervenant de cet atelier) et Gianluca ont donc joué respectivement le Ministre de la culture et des animaux exotiques et un journaliste l'interviewant pour la télé. Et ainsi le ministre utilise comme des animaux de foire chaque immigrant qui raconte son histoire ou chante et est récompensé par une cacahuète. L'ensemble se termine par un selfie final...

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Le propos pique. Et les histoires de chacun aussi.

Et la confiance qui s'est établie avec eux rend la fin de cet atelier difficile. Car cette semaine, ils passent tous en commission, et risquent de devenir clandestins et sans toit.

La plupart n'ont plus de trace de leur famille. L'un d'eux à été vendu à 10 ans. Ils ont fui la guerre, ou l'armée islamiste (l'un deux, berger, est revenu avec ses animaux et a retrouvé sa maison détruite, sans aucune trace de sa famille), ont traversé le désert, sont arrivés en Lybie, ont été séquestrés et exploités ou ont subi les violences de la prison, puis ont été contraints par la police ou les bandits armés à s'entasser sur des barques dans des conditions inhumaines pour traverser la Méditerranée. Et maintenant, tout dépend de la commission qui risque de leur refuser les papiers, car entre temps, officiellement, la guerre a cessé. 

Autant vous dire que l'émotion était là quand nous les avons quittés dimanche soir... 

 

Et voilà... un bref aperçu de ce à quoi je participe comme stagiaire... expériences théâtrales mais humaines, surtout...

 

 

...La prochaine fois, un article beaucoup plus léger avec plein de liens stupides. Promis!

A bientôt!

 

 

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